Introduction à la vie spirituelle, précis de théologie ascétique et mystique

23 janvier 2009

de Louis Bouyer, Cerf, Paris, coll. Epiphanie, réédition mai 2008 (1re éd. 1960), 320 p., 26 €

Les éditions du Cerf viennent, fort opportunément, de rééditer trois excellents livres du Père Louis Bouyer : L’Introduction à la vie spirituelle, Le sens de la vie monastique et Le sens de la vie sacerdotale. Trois ouvrages qui rappellent que Louis Bouyer, grand théologien et liturgiste français, fut aussi un vrai maître en spiritualité. Cette trilogie sur les trois « états de vie » (baptisé, consacré et sacerdotal), écrite dans les années qui préparent le Concile Vatican II, nous offre les fruits de sa recherche, avec quelques autres passionnés, pour fonder un authentique renouveau de la vie de l’Église. Des ouvrages qui permettent donc de mieux entrer dans le Concile, afin d’en saisir davantage l’extraordinaire souffle !

Le Père Bouyer a écrit son Introduction à la vie spirituelle pour tous les baptisés qui cherchent à approfondir leur vie spirituelle, en s’appuyant, très classiquement, sur l’Ecriture sainte et la tradition de l’Eglise.

"Ce livre est un manuel et un manuel pratique", explique l’auteur. Il possède en effet toutes les qualités pédagogiques nécessaires à un tel ouvrage. Le style est clair, le contenu érudit (parfois aride) et la vision profonde. Sur les pas de Saint Paul, il constitue une puissante invitation, "environnés d’une si grande nuée de témoins, à rejeter les entraves du péché, et, nous armant de patience, à courir au combat qui nous est proposé, fixant nos regards sur l’auteur et le consommateur de notre foi : Jésus " (He 12, 1, cité p. 311). Bref, de quoi nourrir ce temps de Carême 2009 !

Un extrait parmi tant d’autres : "Quelle que soit la tache à laquelle il collabore, le chrétien "dans le monde" doit donc croire qu’il collabore à l’avènement du Règne de Dieu. Mais il doit croire en même temps que ses réussites les plus éclatantes à première vue peuvent se révéler les plus fragiles et mêmes les plus trompeuses, tout comme il doit être persuadé que ses échecs en apparence les plus irrémédiables entrent dans le plan de Dieu et son infaillible réalisation. C’est ici que se situe sa croix, la croix qui lui est propre : non à l’écart de son œuvre, mais au plus profond de celle-ci.

Ce paradoxe est encore plus marqué, s’il est possible, dans le mariage du chrétien, qui consolide plus même qu’aucune de ses taches professionnelles son installation dans le monde, mais qui, en revanche, s’il est un mariage chrétien, l’ouvre mieux que tout, en ce monde présent, au monde qui vient.

Dans le mariage, la personnalité entière, indissolublement corps et âme, s’achève, se complète, et par là doit trouver son unité finale, dans un autre être. A première vue, le mariage n’est donc, s’il est réussi, qu’épanouissement. Cependant, cet épanouissement de l’un n’y peut être authentique s’il ne se fait concurremment à l’épanouissement de l’autre. Et par là, plus que jamais, la croix s’introduit dans l’épanouissement lui-même. (…) Unir ainsi sa vie, son être à une autre vie, à un autre être, c’est communiquer tout ce qu’on a, tout ce qu’on est soi-même. D’une certaine manière, la dépossession de tous ses biens, de son propre corps, et finalement de sa volonté, qui est au fond de la profession monastique est également au fond de l’engagement matrimonial. L’Epoux qui a compris ce sens chrétien de son mariage, qui n’est que l’achèvement surnaturel de ce vers quoi tendait la réalité naturelle de l’union des sexes, sait bien qu’il n’a plus rien qu’il puisse dire sien exclusivement. Un autre être le possède avec lui. (…) il ne saurait plus disposer de son existence, de son temps, choisir aucune de ses occupations en fonction de sa volonté propre : il faut qu’à tout moment celle-ci sorte d’elle-même, pour ainsi dire, se renonce, fasse place en elle-même (et une place déterminante) à la volonté d’un autre être…" (pp. 172-173).

"Cependant, toutes ces croix du laïc vivant « dans le monde » sans être du monde ne sont que des esquisses ou des ébauches de la croix ultime totale, à laquelle il lui faut bien en venir : la mort " (p. 176).

Et l’auteur continue ainsi sur la paternité et la maternité, le sacerdoce, la Parole de Dieu, les sacrements, la prière (l’office divin, le rosaire, la prière du cœur…), l’ascèse, le jeûne, les vices et les vertus, etc. Autant d’aspects fondamentaux de la vie chrétienne, d’étapes de la vie spirituelle, qui bien qu’évoqués rapidement, sont décrits avec une densité remarquable. Voilà donc un livre qui invite avec force au combat spirituel, mais aussi et surtout, à l’abandon en Celui qui nous habite.

Du même auteur, on ne saurait également trop recommander : Figures mystiques féminines. Coll. "Epiphanie". Paris, Cerf, 1990, 186 p. Cinq figures (Hadewijch d’Anvers, Térèse d’Avila, Thérèse de Lisieux, Elisabeth de la Trinité et Edith Stein) auxquelles il consacré un livre passionné et passionnant, là encore d’une grande érudition, tout en restant facile à lire. La puissance qui se dégage de ces merveilleuses figures mystiques donne une extraordinaire image de la femme.