Le Dieu de Dostoïevski, de Marguerite Souchon

25 avril 2022

Avec cet ouvrage, Marguerite Souchon réussit le tour de force de s’adresser aussi bien aux novices qu’aux lecteurs les plus chevronnés du romancier, leur proposant de creuser les grands thèmes centraux de son œuvre ainsi que ses préoccupations métaphysiques : la question de Dieu, bien sûr, mais aussi le mystère de l’âme humaine, théâtre d’un combat entre Dieu et le diable, ainsi que les tragiques questions de la souffrance et de la liberté.

Cette fine analyse se base sur les événements marquants de la vie de Dostoïevski, mais surtout sur son œuvre ; dont on retrouve des passages mythiques ainsi que les fameuses citations ; telles que :

« la beauté sauvera le monde » ou « si Dieu n’existe pas tout est permis »,

qui, trop souvent citées à tort et à travers, sont ici précisées et expliquées.

Il s’agit en effet de remettre les choses dans leur contexte : le siècle de Dostoïevski est celui de la remise en question du régime, la monarchie de droit divin et sa foi attenante.

Or, après des premiers romans à la fibre sociale très marquée (on y retrouve des accents Balzaciens), Dostoïevski constate que le socialisme de sa jeunesse s’est définitivement coupé de Dieu.

L’athéisme - outre son irrationalité - devient alors à ses yeux la plus grande des menaces civilisationnelles

En effet, si - selon les véritables citations - « Sans immortalité de l’âme, rien n’est immoral et donc tout est permis » et « Si Dieu n’existe pas, je suis Dieu », l’homme est la seule mesure de tout, c’est bien alors le règne du relativisme, et donc de l’arbitraire menant à l’anarchie.

Par ailleurs, le fait que l’homme soit un être fini et frustré de l’être, implique qu’il soit destiné à un infini ;

cette intuition de transcendance est la preuve qu’en l’homme existe une parcelle de divin.

Et pour retourner à Dieu, il a besoin du Dieu - lui même humain -, c’est-à-dire du Christ, modèle parfait, beauté incarnée qui représente ainsi l’aboutissement parfait de l’homme en Dieu.

C’est ainsi que la beauté, perçue comme signe du bien et du vrai, sauve le monde.

Dostoïevski explore ainsi les voies qui s’offrent à l’homme confronté à sa tragique dualité pour gérer le terrible fardeau de sa liberté : soit sombrer dans un matérialisme sans issue, soit s’improviser Dieu pour échapper à sa condition, au risque de se perdre ;

soit, enfin, choisir par amour la voix de rédemption offerte par le Christ.

Marguerite Souchon livre ici un ouvrage dense, mais rendu accessible par une grande qualité pédagogique et une attachante familiarité avec le lecteur qu’elle interpelle d’un humour espiègle pour s’assurer qu’il suit toujours bien !

Un ouvrage qui se présente donc comme une véritable porte d’entrée pour découvrir tant Dostoïevski que son œuvre, ou bien qui donne simplement envie de se replonger dans ses si célèbres romans.