Comment réhabiliter un mot si démodé, associé à l’idée de renoncement et de contrainte, confondu le plus souvent avec continence ou célibat ?
C’est tout l’enjeu de ce livre : libérer ce mot de ces conceptions étroites et réductrices pour lui redonner ses lettres de noblesse…
L’essence de la chasteté en effet, n’est pas de mettre à mort notre nature, mais de l’orienter, par le biais d’une réconciliation intégrale de notre être, vers la plénitude de la vie.
La chasteté pour être bien comprise doit envisager, aussi bien la complexité de notre condition humaine ( corps et âme ) que l’accomplissement divin auquel cette nature est appelée
Ce qui nous semble naturel c’est d’être gouverné par nos instincts et nos besoins physiques.Mais en réalité nos quêtes de connaissances de développement de justice de liberté sont des quêtes de la nature iconique de l’humanité.
En effet, être créé à l’image de Dieu, cette image vit en l’homme comme une imperfection ressentie, un manque existentiel.
Le corps lui-même porte dans sa faim de satisfaction sensuelle un désir d’éternité Le psaume 62 ne dit-il pas : après Toi languit ma chair
Au commencement la nature humaine s’inscrivait dans l’ordre parfait voulu par Dieu. Après la chute du péché originel, cet ordre est rompu et l’harmonie fait place à la rivalité , à la volonté de contrôle de l’autre…
L’homme et la femme, blessés jusque dans leur sexualité sont tentés de se servir de l’autre pour assouvir un plaisir égoïste recherché pour lui même, isolé par conséquent des finalités premières d’union et de procréation.
Et au lieu de trouver le bonheur de la communion amoureuse, ils ratent leur cible. ( c’est le sens du mot péché ) et tombent dans le fossé de la solitude…
Ainsi cette force vitale qu’est l’éros, bonne en soi mais blessée, doit être canalisée par l’agape pour s’accomplir réellement.
Et c’est tout le rôle de la vertu de chasteté ( dont l’étymologie est katharos qui signifie purification ) : libérer l’homme de ses passions qui le poussent à s’accaparer l’autre pour son plaisir personnel.
La chasteté est au contraire au service de l’amour qui cherche le bien de l’autre.
Le mariage chrétien, fondé sur le modèle biblique de l’Alliance de Dieu avec son peuple, puis de celle du Christ avec son Eglise, a ainsi en perspective les Noces Eternelles du Royaume.
Il ne peut par conséquent se comprendre que dans cette ouverture à la transcendance. C’est pourquoi il n’est pas un simple contrat humain, mais il aspire à une re-création, un accomplissement de la nature humaine.
La chasteté est le moyen par lequel les époux chrétiens se donnant l’un l’autre s’aident mutuellement à devenir pleinement ce qu’ils sont.
Le christianisme rappelle que cette aspiration à l’unité par-delà la différence de sexe ne sera possible que par la transfiguration de l’amour qui réalisera notre soif de communion parfaite avec les autres et Dieu.
Dans le célibat, le consacré est appelé lui aussi a une vie féconde, mais là où les époux sont des agents de communion l’un envers l’autre, le célibataire consacré réalise directement le pacte nuptial avec le Christ.
Les deux derniers chapitres du livre sont d’ailleurs consacrés à l’expérience des moines notamment celle des Pères du Désert qui dans leurs nombreux apophthegmes rappellent que la reconquête de notre humanité passe par l’imitation de Jésus Christ, modèle par excellence, et par la prière contemplative qui purifie peu à peu notre regard…
Heureux les cœurs purs ( chastes ) car ils verront Dieu.